mardi 24 janvier 2012

Modèles féminins : Marie Reynoard, une femme dans la Résistance

Phypa a lancé il y a quelque temps l’idée de présenter sur nos blogs, environ une fois par mois, une petite présentation d’une femme d’exception ou simplement « sortie des sentiers battus ». Avec cette initiative, Phypa espère contribuer à réduire les stéréotypes de genre et à proposer des modèles féminins bien plus riches que ceux que nous voyons à la télévision ou dans les magazines.  
Ce mois-ci, je vous propose le portrait de Marie Reynoard, figure méconnue de la résistance iséroise mais dont le parcours force le respect.

Née en 1889 à Bastia, Marie Reynoard entre à l’Ecole normale supérieure de Sèvres et en ressort agrégée de lettres en 1921. Après différents postes d’enseignante à Cahors, Aix et Marseille, et entre différents séjours en sanatorium du fait de sa tuberculose, elle est nommée en 1936 au lycée Stendhal de Grenoble.
Marie Reynoard, à 16 ans (Source Grenoble Mensuel décembre 93)

En 1939, elle organise l’accueil des Polonais réfugiés à Grenoble. Sa vie prend un tournant plus radical lorsque, au cours d’un voyage à Marseille, elle rencontre Henry Fresnay, qui dirige le mouvement de libération nationale, et se rallie avec passion à sa cause. Marie prend alors le nom de code de Claude. Grâce à elle, les premiers résistants grenoblois commencent à se réunir et à s’organiser ; un premier mouvement de résistance est crée dans la ville en 1941. Lors d’une réunion que Marie Reynoard organise dans son petit appartement, se décide la fusion entre le « mouvement de libération nationale » et le mouvement « liberté » : le mouvement Combat est né. Ce sera le plus important des huit grands mouvements de Résistance qui composeront le Conseil national de la Résistance.

Marie devenue Claude, organise, avec d’autres résistants tels Roger Collomb, Etienne Sprünck ou Robert Zarb de nombreuses activités risquées tels sabotages, propagande et autres actions clandestines. Selon Roger Collomb « il émanait de Claude une certaine autorité ; on sentait cette flamme dans se yeux. Elle parlait peu, allait à l’essentiel et limitait nos réunions à une demi-heure pour ne pas attirer l’attention».
(Source collection Musée de la Résistance en Isère)

A la rentrée 1942, Claude est arrêtée dans son lycée, sur dénonciation. Elle est incarcérée, suspendue de ses fonctions. Remise en liberté provisoire pour raison de santé, elle reprend ses activités de résistance à Lyon, cette fois-ci sous le nom de Claire Grasset. Trahie une nouvelle fois,  elle est emmenée au camp de Ravensbrück en février 1944, dans un convoi réunissant 960 autres femmes. A partir de septembre 1944, sa santé se dégrade terriblement. En janvier, 1945, elle est mordue par un chien lancé sur elle par un SS. Au terme d’une agonie atroce, elle décède en janvier 1945, quelques mois avant la libération du camp en avril 1945.

Malgré une santé très fragile, Marie Reynoard fut une femme passionnée. Connaissant les risques de la Résistance, elle n’hésita pourtant pas à s’y dévouer corps et âme, au prix de sa vie. Ceux qui l’ont connue la décrivent comme une femme impressionnante par sa beauté, mais surtout par sa culture, sa détermination et son intelligence. Certains témoignages montrent que, même dans l’horreur du camp de Ravensbrück, son comportement est resté exemplaire : on raconte qu’elle insufflait du courage à ses codétenues en leur racontant le mythe de Tristan et Iseult, comme un dernier rempart face à la barbarie.

Je n’ai trouvé sur sa biographie qu’un article de Wikipédia et deux (vieux) articles de la presse locale. A Grenoble, seule une avenue portant son nom et une plaque posée au lycée Stendhal rappelle son existence. C’était pourtant sans doute une femme exceptionnelle, aurions-nous eu ne serait-ce que le quart de son courage ?

6 commentaires:

  1. C'est vraiment bien cete initiative des modèles féminins. J'apprécie de découvrir ces femmes :)

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    1. Merci de tes encouragements ! Voudrais-tu participer pour étoffer notre petit cercle ?

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  2. Merci Flo la souricette pour ce beau portrait de femme qui va au bout d'elle-même et de ses convictions.
    J'avoue que je n'en avais pas entendu parler.
    Comme quoi nous avons du boulot !

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    1. Normal que tu n'en aies jamais entendue parler, elle est trés peu connue (on parle beaucoup plus des résistants hommes)... Je l'ai découverte lors d'une visite au musée de la résistance en Isère et j'ai emprunté pendant trés longtemps toutes les semaines la rue qui porte son nom...

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    2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. Je connaissais son nom et le fait qu'elle ait été résistante mais lors d'une visite au même musée que vous nommez j'ai eu beaucoup d'émotion sur son histoire.

    Quelle Femme! Quel être humain! Mais aussi quelle injustice de laisser oublier toutes ces personnes qui ont donné leur vie dans la défense de notre liberté.

    Ils n'étaient pas nombreux, elles en étaient d'autant plus courageuses celles qui les accompagnaient à risquer la torture pour un idéal.

    J'ai encore intacte cette émotion, c'est pour cela que je cherchais sur Internet ce que je pouvais trouver sur cette personne et trouvé votre blog.
    Il n'y a pas grand-chose sur internet, il est vrai, sur Marie Reynoard.

    Et pourtant, celle qui n'avait rien à fuir, pas juive, pas communiste, pas dans les fiches de la gestapo a préféré la quête de la liberté et de la justice au risque de subir les pires tortures et la mort à une vie sans histoire et tranquille comme beaucoup de Français de l’époque.

    Ne l’oublions pas et je lui dis pas ce post que je l’aime.
    Bernard de Grenoble

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