jeudi 28 février 2013

Après une (demie) moitié d'année de classe, sentiments...

La moitié de l’année est déjà passée, et je finis ma troisième période un peu fatiguée, non pas tant physiquement car j’ai la chance de pouvoir être à mi-temps, mais plutôt moralement. Suite à ma reprise, je dois me coltiner des sentiments mitigés pour ne pas dire contradictoire…  Je suis titulaire de secteur et je remplace deux jours par semaine des collègues à temps partiel. Deux journées marathon, comme les connaissent beaucoup de parents, avec un départ à 7h40 de la maison et un retour trop souvent à 19h, une fois les Doux récupérés de leur crèche/ nounou. Deux grosses journées dans la semaine, ça peut paraître peu, mais c’est une grande part de ma vie  (d’où d’ailleurs une petite mise de côté du blog)… Ce métier demande un engagement physique, intellectuel et moral. Il ne vous laisse pas indemne. C’est son côté attirant, passionnant, mais risqué. On ne laisse pas ses soucis à la porte de la classe, d’où mon envie de poser par écrit mes sentiments personnels après 6 mois dans une nouvelle école, que je quitterai probablement début juillet.

Tout d’abord, je ressens une immense FRUSTRATION. J’ai envie de bien faire mon travail mais souvent je ne parviens pas à faire aboutir pleinement mes préparations à cause d’un manque de temps… Vivre avec un « Minidoux-qui-ne-dort-pas », en tout cas pas avant 21h30 ne facilite pas les choses. Comme la plupart des enseignants, je travaille parfois tard le soir, souvent les week-ends, toujours pendant les vacances scolaires et malgré ça j’ai l’impression de ne pas en faire assez. En même temps, j’ai envie de m’occuper pleinement de mes Doux, ces deux merveilles qui grandissent si vite.

J’ai envie d’une classe attentive et calme, et, comme je dois me couler dans l’aménagement des collègues que je remplace, que je ne peux arriver qu’à 8h le matin, je me heurte à des difficultés matérielles (où est passée cette maudite paire de ciseaux ?) facteur d’agitation et d’énervement pour tous. J’ai envie de mieux connaître mes élèves, pour mieux les guider, mais comme j’en ai quand même 55 que je ne vois que 6 heures chaque semaine, certains demeurent une énigme…  Je réalise qu’enseigner en école maternelle requiert quand même pas mal de connaissances (peut-être plus qu’en élémentaire) que je maîtrise insuffisamment et je rage de devoir bricoler par mes propres moyens, sans bénéficier d’une formation digne de ce nom. Je ne suis pas une enseignante très expérimentée, j’ai besoin de prendre du temps pour me poser, réfléchir aux apprentissages, proposer des activités où l’élève est véritablement amené à réfléchir. En classe, j’ai parfois l’impression d’être en apnée. Je sens que mes élèves ont besoin de pouvoir s’entraîner, de consolider les notions que je leur présente parfois au pas de course, et l’équipe me bouscule par rapport à des dates, date à laquelle on doit rendre les livrets, date prévues pour donner telle évaluation… J’ai besoin d’une organisation à la fois souple et rigoureuse, sans laquelle je crains de ne faire qu’un travail de surface (le « beau livret », le « joli cahier »…). Je dois sans cesse lutter contre l’érosion de ma motivation et Dieu que je n’aime pas ça… Un peu de lâcher prise ne me ferait pas de mal.

Je ressens aussi de l’ECOEUREMENT face au peu considération dont je souffre en tant qu’enseignante. Après des années de mépris et de dégradation de nos conditions de travail, bosser un jour de plus sans contrepartie, ça ne passe pas… Je vais devoir payer davantage pour faire garder les Doux, des jours entiers de crèche pour Mini, des heures et des repas supplémentaires chez la nounou du Grand, sans garantie que cette dernière accepte de travailler un jour de plus… Au moins 100€ par mois. Quid des activités extra-scolaires qui faisaient énormément de bien au Grand Doux et à laquelle nous devrons peut-être renoncer faute de temps pour l’accompagner ? De la joie de les retrouver tout les deux le mercredi ? Du recul facilité, pour ceux qui travaillent à temps plein, ce qui sera mon cas un jour, par ce jour « off » du milieu de semaine ?

Et voilà qu’on exige que nous travaillions maintenant deux semaines supplémentaires… On nous promet une concertation, vu comment s’est passée celle sur le mercredi matin, je n’y crois plus… Pourtant, va-t-on nous indiquer la recette magique pour travailler dans les classes le 10 juillet, lorsqu’il fera 35° dans nos préfabriqués ? Le but ne serait pas de permettre aux parents d’économiser deux semaines de centre aéré ? Sérieusement, ne seraient-ils pas mieux à la piscine ou en colo à la montagne, un 10 juillet ou un 20 août, nos mômes ? Deux mois de pause pour rire, s’ennuyer, rencontrer d’autres personnes, chambouler ses habitudes, est-ce vraiment inutile ? Etre plutôt que de toujours faire ? On me répondra que tous les enfants n’ont pas cette chance, c’est vrai. A la collectivité et aux citoyens de se mobiliser pour que tout les enfants puissent profiter de ces vacances…

On a le sentiment qu’il nous incombe de réparer tous les travers de la société, et avec le sourire en plus, puisque nous sommes des « privilégiés »… Pourtant les comparaisons internationales montrent que notre salaire se situe au plancher (pour ne pas dire à la cave) de ceux distribués dans les pays riches. Ras le bol.  
Peut-être qu'on pourrait aussi les garder le soir ? Merci à Jack de Danger école...
 

Je suis aussi DECOURAGEE de ne pas avoir un poste fixe : beaucoup de projets auxquels je rêve doivent rester dans les cartons (formation des élèves sur la gestion de conflits avec une association qualifiée, aménagement de la classe facilitant l’autonomie...). A cela s’ajoute L’ANGOISSE, comme chaque année, de trouver en septembre un poste impossible… Les profs se plaignent tout le temps c’est vrai, nous ne sommes pas malheureusement la seule profession à en baver, mais j’aimerai que dirigeants et opinion publique nous écoutent vraiment.

Rage aussi et TRISTESSE de voir l’indifférence à peine voilée de l’équipe (ou plutôt heureusement d’une partie de l’équipe) dans laquelle je suis cette année. Sentiment que puisque je suis à mi-temps et à titre provisoire, mon opinion ne compte pas : on ne me demande mon avis sur aucune date et lorsque je demande que certains conseils des maîtres soient organisés mes jours de présence pour que je puisse facilement y assister, c’est non… Dur.

Comme souvent dans les équipes où je suis passée les relations sont parfois difficiles.  Le point positif c’est que je m’aperçois de la répétition de certaines situations et me rends compte, pour faire court, que mon manque de confiance en moi et ma peur du jugement des autres n’y sont pas étrangers. J’ai envie que les autres adultes m’acceptent, moi quoi suis sans doute différente, vu ma formation ma personnalité et mon parcours pas très classique, mais je n’ai ni la capacité ni l’envie de me couler dans le moule de la parfaite instit’, en bref j’ai encore du mal à m’affirmer. Cette année, j’ai des relations très difficiles avec une des ATSEM dont certaines valeurs et façons de faire sont à l’opposé des miennes. Cela me chagrine, mais ça ne me démonte plus. J’ai même réussi à lui proposer d’en parler sereinement : bref,  je progresse et j’en suis plutôt CONTENTE.


Je suis plutôt satisfaite aussi des progrès que j’ai pu faire dans l’écoute des élèves. Déjà, j’ai banni les « ne pleure plus », « tu n’as pas mal »… A un gamin qui pleure le matin, je ne dis plus « arrête de pleurer et de faire des caprices » mais plutôt un truc du genre « je vois que c’est difficile de quitter ta maman pour venir à l’école ». Ce n’est pas forcément pour ça que le gamin va cesser ses pleurs (même si ça « marche » souvent), d’ailleurs ce n’est pas mon but, qui est plutôt de témoigner d’une bienveillance et d’une autre manière de faire. Consciente du risque de les enfermer dans un rôle, je ne donne -presque- plus d’étiquettes, je pratique –parfois- le compliment descriptif- au lieu de l’habituel « Très joli, très bien ». J’ai mis la pédale douce sur les sermons et les punitions, ce qui n’exclut pas quelques « remontages de bretelles ». Je suis assez FIERE de cela. Quand je parle aux parents, l’exercice demeure périlleux mais j’essaye d’expliquer des faits sans exprimer de jugements sur leur enfant… ça ne veut pas dire qu’il n’y aura plus jamais de clash (et c’est dur de faire avec cette incertitude quand je sais que des collègues se font menacer de la pire manière). Mais je me rends compte que, petit à petit, je vois d’une manière différente, et bien plus positive, le public avec lequel je bosse. En particulier, je suis TOUCHEE de la confiance que certains me témoignent. Confiance des parents qui me laissent leur enfant le matin, et je sais d’expérience à quel point c’est difficile.  Confiance des enfants qui viennent me voir lorsqu’ils ont un problème sans (trop) de crainte de se faire rembarrer. Je suis aussi RAVIE de mes petites réussites pédagogiques, d’une séance de musique nickel-chrome, de la qualité d’écoute lors de certains regroupements, de la compréhension de la quasi-totalité de la classe sur certains points, de l’intérêt que manifestent les élèves envers certaines activités, en particulier de leur soif d’histoires et de livres.

Voilà j’ai vidé mon sac, dans un billet plus personnel, mais que j’ai besoin d’écrire et de publier. Enfin, sur ma route, je commence à entrevoir que certaines difficultés pédagogiques, « disciplinaires » ou relationnelles ne sont pas que des obstacles, mais qu’elles sont aussi une occasion de progresser, en un mot une chance. Un changement de regard. Un long chemin aussi à entreprendre.

EDIT du 1er mars : Dans l'esprit de mes propos sur l'écoute, je viens de publier un commentaire des habiletés Faber et Mazlish concernant les relations parents/profs, je vous invite à le lire sur le blog collectif des Vendredis intellos
Hommage à Stéphane Hessel chipé aussi sur le blog Danger Ecole un peu hors-sujet, quoique, mais je ne peux pas résister ;)
 

vendredi 15 février 2013

Allaiter ou se soigner. Vraiment ?

Deux petites phrases entendues, ce matin, en déposant Grand Doux à l’école « J’ai été fatiguée avec cette grippe. Heureusement, comme j’allaite pas j’ai pu me soigner ».

Sans doute, celles qui me lisent un peu n’apprendront rien, mais allaiter, dans une majorité des cas, n’empêche pas de se soigner. Beaucoup de médicaments sont parfaitement compatibles avec l’allaitement, même si la plupart des notices, par précaution, mentionnent le contraire. En cas de doute, on peut passer un coup de fil à une association d’allaitement ou aller sur le site du CRAT qui indique la compatibilité des traitements avec la grossesse ou l’allaitement. D’ailleurs, pour la plus célébre des toubibs-blogueuse : « le CRAT est votre ami. Si la notice du médicament dit un truc, si le médecin dit un truc, si le pharmacien dit un truc et que le CRAT dit autre chose : c’est le CRAT qui a raison ».  Si le médecin a donné un traitement déconseillé avec l’allaitement, il existe souvent des médicaments plus adaptés qu'on peut lui demander de prescrire. Combien d’allaitements stoppés à contrecœur pour une sinusite, une angine ? Beaucoup trop sans doute… En partie à cause de médecins non informés sur l’allaitement. Lorsqu’on rencontre de tels professionnels, ce n’est pas facile d’oser faire valoir son point de vue.

Pourtant, je témoigne qu’on peut allaiter en étant clouée à l’hosto pour une vilaine méningite virale. Ne pas écouter le toubib des urgences qui m’affirme qu’il faut arrêter l’allaitement dès lors que la mère est fiévreuse. Ne pas écouter l’interne neuro de services qui me dit qu’il est temps, de toute façon, de sevrer mon grand bébé de 15 mois. Ne pas écouter l’entourage. Appeler la Leche league pour se renseigner sur la compatibilité du traitement antiviral. Trouver un médecin pro-allaitement qui me dit que Grand Doux ne recevra certainement pas plus qu’une toute petite partie de la dose pédiatrique, mais qu'en définitive, c'est à moi de décider. Continuer à allaiter mon fils lors de ses visites quotidiennes malgré l’effarement de l’équipe (j’ai quand même eu un peu peur qu’ils appellent la PMI). Trouver de l’aide dans le soutien de mon conjoint. Résister à ce qui est pour moi, finalement, un abus de pouvoir du corps médical, c’est possible, même ça nécessite pas mal d’entêtement et un peu d’information.

Dans le cas d’une grippe les choses sont quand même généralement un peu plus simples, on se repose et on prend du paracétamol, de l’homéopathie si on y croit, et on se rétablit en quelques jours, non ?

Ceci dit, je crois aussi que si le discours de certains professionnels de santé est aussi écouté et relayé, c’est qu’il peut aussi nous arranger.
Même si je suis une convaincue des bienfaits de l’allaitement, je conçois que des femmes n’aient tout simplement pas envie d’allaiter (pour ne rien vous cacher j’avais encore du mal à le comprendre il y a quelques temps, pas facile d’être tolérante !). Certaines personnes pensent que l’allaitement ne leur convient pas, pour des raisons qui n’appartiennent qu’à elles et, en lui-même ce choix est respectable. On bassine les femmes avec les bienfaits de l’allaitement, sans prendre en compte, jamais,  leur ressenti.
Et qu’on nous inflige un discours plutôt contradictoire :
 -L’allaitement est bon pour la sante, si t’es une bonne mère tu allaites. Point barre.
- En plus d’être une bonne mère, tu te dois d’être une femme épanouie, de préférence qui bosse. Sois efficace, à l’heure et souriante au boulot, où de toute façon pas grand-chose n’est prévu pour que tu tires ton lait. Si tu es malade, prends vite un traitement qui va te remettre sur pied en moins de deux. Epicétout !
- Si tu allaites avec bonheur, c’est suspect aussi : Es-tu sure que ton bébé grossit bien ? Ton lait est bon ? Es-tu sure que tu ne vas pas le traumatiser ? Parce que l’allaitement, c’est bien, mais c’est quand même dur d’accepter notre condition de mammifère…

La mère sera de toute façon mal jugée. (Et on aura toutes les peines du monde à discuter de ce sujet sans que ça tourne au pugilat) Mais si, au fond, je me dis que, peut-être, pour quelqu’un qui n’a pas vraiment envie d’allaiter, invoquer une raison d’ordre médical est alors un alibi pratique. Plutôt que de dire que l’allaitement ne me convient pas ou plus, je fourni un alibi médical pour ne pas être jugée. Je suis soutenue par l’autorité « scientifique » de mon médecin, qui, fort souvent, n’y connaît guère plus en allaitement qu’un citoyen lambda. Dans ce cas, si j’arrête un allaitement qui, au fond de moi, me pèse parce que « je dois prendre des antibiotiques » ou que « bébé ne grossit pas assez », je redeviens dans les yeux des autres une bonne mère soucieuse de la santé de son enfant. C’est un moyen pratique de se dégager de la pression : critiquer les mères, quoiqu’elles fassent est un passe-temps national… Mais en même temps, en invoquant un prétexte médical, je propage une vision objectivement erronée… Et je contribue à décourager celles qui aimeraient bien tenter l’expérience, mais qui auraient besoin d’information plus justes. Quand est-ce que la société sera prête à entendre le « je n’ai pas envie d’allaiter, et je n’ai pas à me justifier» ? Quand est-ce aussi que nous aurons le courage d’affirmer nos choix ? Pas facile ? Chiche !


Sur le traitement de la femme qui allaite, le site de la LLL
Vous pouvez aussi allez faire un tour sur le site des vendredis intellos où, ce matin même, une contributrice témoigne de sa difficulté à savoir si son traitement est ou non compatible avec l'allaitement.

Joli timbre, est-ce qu'on a l'équivalent à la Poste française ?

lundi 4 février 2013

Celui qui était patraque


Ce matin, j’avais classe. Réveil donc à 6h25 pour moi. A 6h30, j’entends mon Grand Doux hurler. Il a sa voix des mauvais jours… Je vais le voir, je le trouve un peu chaud. C’est bien possible qu’il ait la grippe, vu que Minidoux et moi venons juste de l’avoir. Premier verdict du thermomètre : 37,9°. Mouais. Son père me soutient que ça température que je trouve quand même un peu limite, est la conséquence de la manie du Grand Doux de s’enfouir sous son gros duvet. Je vais bosser ou pas ? Franchement, je n’aime pas être absente, alors que je sais qu’il y a déjà une collègue malade et que nous avons peu de chances d’être remplacées. Je lève le Grand doux qui chouine et refuse de déjeuner, l’aide à s’habiller… Il est déjà un peu moins chaud. La théorie de M. Doux se vérifierait-elle ? Je reprends sa température : 37,5°. « Non Grand, tu n’as pas de fièvre, tu es juste fatigué, on part à la garderie ! ». M. Doux part avec Mini, je pars avec Grand qui répète en boucle « je suis malade, avec la maitresse, on fait la sieste l’après-midi, pas le matin ». Nous prenons l’ascenseur, arrivons devant le garage, Grand pleure carrément maintenant.

D’un coup, une petite voix intérieure me crie « Stop » : je réalise que je suis en train de ne pas croire mon enfant. Finalement, moi, la grande fan de Faber, Mazlish et autres Gordon, quel crédit je porte à la parole de mon fils ? S’il est malade à son école, il devra attendre de longues heures avant que son père et moi puissions nous libérer pour le reprendre. Est-ce que ma confiance en lui ne va même pas assez loin pour que je prenne le risque de sacrifier une journée de travail pour rien ?  Pourtant, j’ai souvent vécu des accueils de maternelle où à 8h20, des parents m’affirmaient que leur petit « faisait du cinéma », alors que je devais les rappeler une heure plus tard pour cause de grosse fièvre (la palme revient au jour où moins de 5 minutes après avoir été déposée en classe, une petite fille « qui n’avait pas envie de venir » vomissait à plein jets au milieu de la classe …)

« Très bien mon cœur, tu es sûr d’être vraiment malade ? »  Petit oui. « OK, on ne va pas à l’école ». Nous remontons à la maison, Grand doux se couche... La « vraie fièvre » a mis du temps à arriver, mais à présent, c’est officiel, Grand est vraiment malade, à tel point qu’il a fait les 300 mètres qui nous séparent du médecin dans la poussette de son frère…. Verdict sans surprise : syndrome grippal. J'ai bien fait de l'écouter.
 
coloriage enfant malade
Coloriage emprunté chez Tfou, dont nous avons fait aujourd'hui une bonne dose de Chuggington et autres...