vendredi 23 septembre 2011

Eduquer selon la méthode Gordon (part. 2) : A la maison


La semaine dernière, je vous ai parlé du livre de Thomas Gordon « Parents efficaces au quotidien ». Aujourd’hui, je vais vous narrer comment je tente d’appliquer cette méthode avec les doux (le billet est un peu long, mais j’ai bien du mal à être concise sur ce sujet). Loin de moi l’idée de donner des leçons : nos doux sont bien jeunes et il nous arrive bien souvent, portés par l’énervement  (c’est exaspérant un doux), de sermonner, menacer, et crier. J’entends juste ici vous donner une petite idée de cette œuvre très riche.
une famille idéale ?


Lorsque parents ou enfants ont des problèmes, Gordon distingue 3 cas (voir le précédent billet) :

1/ L’enfant a un problème : dans ce cas, le parent doit pratiquer l’écoute active pour aider l’enfant à trouver SES PROPRES SOLUTIONS.
2/ Le comportement de l’enfant gène l’adulte. Alors l’adulte n’a pas à écouter, mais à exprimer sa propre gêne à l’aide d’un MESSAGE JE.

3/ Enfants et parents ont des besoins a priori inconciliables. Il convient ici de rechercher ENSEMBLE une solution respectant les besoins de chacun. C’est la méthode sans perdants.


1/ Aider l’enfant à résoudre son problème grâce à l’écoute active

Pour gagner la confiance et l’estime des enfants, il faut apprendre à écouter sans émettre des obstacles à la communication, c'est-à-dire, en gros, accueillir leur parole sans sermonner, juger conseiller ou ordonner. Selon Gordon, la technique la plus efficace est celle de l’écoute active : la réponse de l’écoutant n’émet pas de nouveau message mais renvoie le message précédent de l’enfant afin de lui faire comprendre que ses paroles ont été entendues et décodées. Ce n’est pas une méthode pour se faire obéir mais pour aider les enfants à résoudre leurs problèmes.

Exemple tiré de chez nous : Grand Doux joue avec ses tracteurs. Tout d’un coup, hurlements :
-          « AHHH, ça m’énerve… Ouinnnn »
-          Tu es énervé.
-          Oui, j’ai pas assez de remorques pour accrocher aux tracteurs.
-          Tu es contrarié car tu trouve que tu n’as pas assez de remorques (même si je brûle d’envie de répondre que l’appartement ressemble à une annexe du salon de l’agriculture, je ne le dis pas)
-          Oui (et le Grand Doux se calme, youhou !).

Ainsi, les troubles disparaissent plus facilement lorsqu’ils sont ouvertement exprimés. La méthode m’aide ainsi à résoudre bon nombre de situations d’énervement (et notamment les fameux caprices dans les magasins), même si cela fait bizarre au début de prononcer des phrases qui ont l’air « fabriquées ». Je pense que dans cette situation des tracteurs, si j’avais sermonné le Doux, mon discours aurait achevé de le mettre en colère et ne l’aurait en tout cas pas du tout aidé. L’enfant apprend alors à accepter et exprimer ses émotions, ce que l’éducation classique entend plutôt réprimer (« arrête de pleurer », « n’aies pas peur », «  ça fait pas mal »…). Le Grand doux est plus confiant et ouvert. La relation parents/enfants en sort enrichie. L’écoute active l’a aussi aidé lors de l’arrivée de Minidoux :
-          Petit frère, on va le jeter à la poubelle, il va partir p’tit frère (gulp !)
-          Tu n’es pas content d’avoir un petit frère
-          Non, il me dérange.
-          Tu trouves que Petit frère prend beaucoup trop de place
-          Oui, il me prend ma place
-          Tu penses que le bébé prend ta place à la maison.
-          Oui.

Dans le livre de Gordon, l’écoute active aide l’enfant à démêler ses sentiments afin de trouver ses propres solutions. A la maison, Grand Doux a encore du mal à formuler ses solutions et s’en remet beaucoup à moi. Cependant, s’il commence à ébaucher une solution qui de toute évidence ne marchera pas, je ne dis rien et la lui laisse tester. Je lui propose aussi parfois des idées « Tu pourras peut-être demander de nouvelles remorques pour ton anniversaire ».  Evidemment, n’allez pas imaginer que l’on pratique l’écoute active toute la journée  à la maison, car il faut être disponible et surtout pas stressé. Comme bon nombre de parents, il m’arrive de sermonner et de faire la morale, les vieilles habitudes étant difficiles à perdre.

2/  Lorsque le comportement de l’enfant nous pose problème : recourir au message-je
Lorsque l’enfant se comporte d’une manière qui nous dérange, le problème appartient alors au parent. Il ne s’agit pas d’ordonner, de juger ni même de consoler ou conseiller l’enfant car ces attitudes ne permettent pas d’établir une véritable communication. Dans Parents efficaces, Gordon conseille aux parents indisposés par le comportement de leurs enfants de communiquer avec sincérité sur leurs propre sentiments et les conséquences concrètes subies, en utilisant pour cela un message-je.
Autant le dire tout de suite, il n’est pas facile de formuler un bon message-je. Pour être écouté, il faut d’abord que l’enfant lui-même se sente écouté ; et ce n’est pas toujours facile au quotidien. Ensuite, il faut formuler son message-je en décodant puis en exprimant son véritable sentiment, ce que nous adultes n’avons pas l’habitude de faire.
Ainsi, le papa des doux et moi avons tendance à formuler des message-je de colère. Par exemple :
« Quand tu pousses trop fort ton petit frère, je suis en colère car tu risques de lui faire mal » alors qu’en fait le vrai sentiment est la peur éprouvée pour le Minidoux. Mais, dans l’énervement, il n’est vraiment pas facile d’être connecté  à ses véritables émotions : « Quand tu refuses de mettre tes chaussures, je suis en colère parce que nous mettons trop de temps à partir de la maison », alors qu’en fait les vrais sentiments sont l’irritation et la peur d’être en retard (et de se faire mal voir par la maîtresse…).
Grrr....
En résumé, un bon message-je ne contient aucun reproche envers le comportement de l’enfant (« tu es méchant, fais plutôt comme ceci ») et exprime avec sincérité les sentiments et les conséquences concrètes d’un comportement inadapté. Très souvent, le Grand doux y est sensible et modifie son comportement en conséquence sans cris ou menaces, ce qui est vraiment magique. Cependant, même un message-je bien formulé dans une ambiance sereine pourra échouer si les besoins de l’adulte et de l’enfant sont en contradiction. Gordon préconise alors d’appliquer la méthode de résolution des conflits sans perdant…

3/ Trouver ensemble une solution à des conflits d’intérêts
Lorsque adultes et enfants ont des besoins irréconciliables,  la méthode sans perdant n’est pas une vague négociation mais un enchaînement précis d’étapes dont voici un aperçu (je vous renvoie au bouquin pour les détails).
Au préalable, il convient de donner les règles du jeu : j’ai un problème je veux que nous le résolvions pour que tout le monde soit content. Grâce à l’écoute active, les besoins des uns et des autres doivent être exprimés. Selon Gordon, quand les besoins sont clairs, des solutions au conflit vont apparaître, solutions qu’il sera peut-être nécessaires de réévaluer dans un second temps.

Nous avons récemment essayé cette méthode avec le Grand doux de presque trois ans car ses refus de se laver/ s’habiller nous épuisent. Mais nous n’avons pas réussi car notre bambin n’a pas voulu proposer de solution (manque de maturité, de confiance, fatigue, je l’ignore…) Nous avons en désespoir de cause fini par lui proposer un système de récompenses pas gordonnien pour deux sous mais accepté avec joie (un Grand doux lavé et habillé dans le calme reçoit un « jeton de sagesse » : 42 jetons, soit la grille du jeu puissance 4, rapportent un petit cadeau). Je ne suis vraiment pas fan des récompenses, mais l’ambiance de la maison s’est allégée, et j’espère que cela débloquera la situation pour que nous puissions retenter une résolution de problèmes. Vous l’avez compris, nous ne sommes pas encore experts de la troisième méthode !
Pour écrire ces deux billets, j’ai relu le livre Parents efficaces découvert au mois de mai et la richesse du contenu m’a frappé plus qu’à la première lecture. Je pense qu’il faut une bonne dose d’investissement personnel pour appliquer cette méthode mais aussi une très bonne maîtrise de soi. Lorsqu’on est fatigué par des nuits hachées, le travail domestique et un job à l’extérieur, on a du mal à supporter les bêtises des enfants et à prendre le recul nécessaire. Or, Gordon ne nous aide pas sur la résistance à des situations stressantes : il faut alors puiser en soi et se ressourcer en lisant ou en discutant avec d’autres parents. Et puis, on apprend à tout âge en faisant des erreurs n’est-ce pas ?

5 commentaires:

  1. Je viens de découvrir ton blog via ce billet qui a bien entendu attiré mon attention... Si tu aimes rédiger ce genre de synthèse de bouquins, je me demandais si tu aurais peut être envie de participer aux Vendredis Intellos que j'anime...? En plus, personne n'a encore parlé de Gordon!! Tu pourrais donc peut être nous en commenter un passage particulier?? Si ça t'intéresse, je suis sur Hellocoton, tu sais où me trouver!!

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  2. Découverte du blog pour moi aussi ... très intéressante cette méthode. Je vais envisager l'achat de ce bouquin.

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  3. Merci Mum'zelle, Gordon est un des bouquins les plus intéressants que j'ai pu lire sur l'éducation des enfants, même si évidemment la pratique ne va pas de soi.

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  4. Un bon message je devrait comporter 3 éléments:
    Une description (sans blâme) du comportement irritant pour l’émetteur (le parent)!
    L’effet (les conséquences) que ce comportement déviant a sur l’émetteur (le parent).
    Le ressentiment suite au comportement.

    Vos 2 exemples ne comportent que 2 éléments.
    Il n’y a pas de trace des conséquences:
    - devoir aller à l’hôpital par exemple (pour l’exemple 1)
    - en étant en retard, maman sera réprimandée par son patron (pour l’exemple 2)

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  5. merci pour cet article sincère et clair. Je suis aussi une grande fan de Gordon! J'adore sa façon de voir les choses et des les expliquer même si comme tu dis il manque quelques astuces pour gérer la fatigue ou le stress ;-)

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