vendredi 4 mai 2012

Vendredis intellos :Tétine, sucette, totote, suce et compagnie... L’incroyable histoire d’un accessoire de puériculture

Lorsque nous avons eu notre premier enfant, et que Grand Doux semblait réclamer une cinquantaine de tétées par jour, nous nous sommes rapidement posé la question de la tétine.  Naïfs que nous étions, nous pensions que c’était à nous de choisir entre tétine et pouce et que ce choix nous tiendrait pour plusieurs années.  En plus, la PMI près de chez moi conseille aux parents de mettre au plus vite une sucette dans la bouche de tout bébé, alors que notre médecin de famille qualifie l’objet de « grosse c…ie ». Après des heures de recherches sur Internet pour essayer de déterminer s’il fallait acheter ou non l’objet de la discorde, nous nous sommes résolus, non sans une pointe d’inquiétude à « passer dans le camp des sucettes ».
C’est donc avec amusement, grâce à Mme Déjantée,  que j’ai découvert un extrait de l’art d’accommoder des bébés consacrés à la tétine. Avec humour, les auteurs Geneviève Delaisi de Parseval  et Suzanne Lallemand  esquissent  une éclairante histoire de la sucette.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’histoire du petit objet est tumultueuse. Une loi a même été votée en 1910 pour interdire la vente des sucettes en caoutchouc, (jamais appliquée cependant faute de décret d’application). En effet, jusqu’aux années 70, dans les manuels de puériculture la sucette,  c’est le mal incarné.

Médecins et éducateurs accusent la tétine de tous les maux : malpropre, malsaine, cause d’aérophagie et d’étouffement, la chose est à prescrire absolument. Du point de vue des auteurs des années 30 à 40, la sucette symbolise l’ignorance et le laisser faire maternel (on remarque au passage que bien sûr le père, lui, n’est jamais mis en cause…).

Le problème est que les parents, malgré l’anathème jeté sur la « suce », continuent de l’utiliser De plus en plus, se creuse un fossé entre les théories des pédiatres et la pratique... Dans les années 1970, les livres de pédiatrie sont donc bien obligés d’accorder une place différente à la sucette. petit à petit, sans se mouiller, les pédiatres sont amenés à reconnaître que cet objet peut avoir son utilité. Peu à peu « le besoin de sucer » s’officialise et entre dans les manuels de puériculture. Notamment, on se met à déconseiller aux parents les méthodes coercitives visant à empêcher l’enfant de prendre une sucette ou ses doigts en bouche. La tétine ne pave plus le chemin des enfers. Et les auteurs remarquent qu’on rend encore « responsables  les parents pour des mesures qui leur ont été « soufflées » par des spécialistes des manuels plus anciens »…

Ce qui est intéressant, c’est que l’histoire de la sucette est emblématique de cet « art d’accommoder les bébés »  si changeant selon les individus, et si relatif dans le temps et l’espace. Selon les auteurs, « c’est bien à la question : « la sucette, pourquoi ? » que le bât blesse et chaque auteur y répond –ou n’y répond pas- en fonction de ses fantasmes et convictions personnelles ».  Au fond, ce qui est mal vu, c’est que la mère ou l’enfant puissent avoir du plaisir. Et dans le cas de la sucette, ce plaisir est d’autant plus coupable qu’il est solitaire ! En clair, les manuels de pédiatrie expriment davantage sur l’inconscient et les propres frustrations de leurs auteurs qu’une réalité scientifique.  

C’est aussi percutant de se rendre compte, qu’aux Etats-Unis, la sucette, a bien meilleure réputation : on constate qu’elle fait du bien aux bébés, et cela paraît une raison suffisante de l’utiliser. Ce n’est pas un hasard, si en anglais, la sucette se nomme « pacifier » !

L’art d’accommoder les bébés est un livre qui a déjà plus de 20 ans. Et aujourd’hui, la question de la « suce » donnée ou non  à bébé, n’a à pas perdu totalement son caractère sulfureux. Par exemple, un célèbre psychanalyste nous exhorte à la retirer à l’enfant, sans explication,  dès lors qu’il atteint ses deux ans (Faber et Mazlish, au secours !) . Dans une toute autre optique, le courant de l’éducation non violente voit la sucette avec suspicion. Une éducation non-violente se base sur l’expression  des émotions. Or, la totote mise dans la bouche du bébé a pour effet de l’empêcher de pleurer. . N’est-ce pas apprendre aux enfants à se taire et réprimer leurs émotions ? C’est du moins ce que soutient Isabelle Filliozat dans au cœur des émotions de l’enfant : « votre bébé ressent une émotion, reflet d’un besoin. Il tente de vous la communiquer… Vous lui donnez une sucette. Vous apprenez à votre enfant à avoir besoin de quelque chose dans la bouche dès qu’il vit une émotion ».

 Personnellement, je trouve l’argument intéressant mais je trouve que la sucette peut être pratique, lorsqu’on ne parvient pas à consoler son bébé, lorsqu’il  à du mal à s’endormir, ou encore lors d’un trajet en voiture… . Franchement, je trouve que laisser pleure le bébé une heure, même en lui parlant et en le gardant dans les bras, est d’un intérêt limité. Le risque est de pomper l’énergie de toute la famille pour un bénéfice incertain.  Pour autant, je crois qu’il faut aussi essayer d’écouter l’enfant pour tenter de décoder son comportement. A mon avis, coller par principe une tétine dans la bouche d'un mini  dès qu’il chouine ou même s’il ne demande rien est un réflexe discutable (mais tentant, il faut bien l’avouer...).Pour moi, c’est une question de dosage. Un équilibre pas facile à trouver.

Image trouvée sur Mamapop
Dans notre histoire familiale, Grand Doux et Minidoux ont lieu tous les deux une sucette vers 1 mois, une fois l’allaitement à peu près installé. Ils aimaient l’avoir pour s’endormir, en voiture, ou  lorsque le papa ou la garderie s’en occupait. Cependant, ils ont abandonné leur tototte à 10 mois pour le premier, à 12 mois pour le second.  Il faut voir comment Minidoux recrache avec fureur toute sucette qu’un imprudent tente de lui mettre en bouche. Et c’est devenu bien plus difficile pour Minidoux de trouver le sommeil sans la présence « lactée » de maman…  Dire que je croyais que la sucette nous enquiquinerait pendant des années! Il y a des sujets sur lesquels on se tracasse beaucoup, mais sur lesquels, a posteriori, on se rend compte qu’ils n’avaient pas beaucoup d’importance. Relativisons, prenons du recul, écoutons nos sentiments et ceux de notre famille, sur la sucette comme pour le reste, on ne le dira jamais assez !

Chez la Poule Pondeuse, vous trouverez une présentation générale de l'Art d'accommoder les bébés
Sur le site des VI, La Farfa commente la partie de l'ouvrage concernant l'allaitement
Pour lire les autres chauffages de neurones de la semaine c'est par ici  

10 commentaires:

  1. très intéressant, la mienne n'a pas voulu la tétine jusqu'à 6 mois (c'ets mieux le sein de maman hein!) puis maintenant une fois l'allaitement fini, elle ne peut plus s'en passer... j'en ai encore pour qqs années! je me pose la question de l'impact sur les dents... ça la soulage donc c'est clair que je ne me vois pas ne plus lui donner non plus...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je crois que pour les risques dentaires, les avis ne sont pas unanimes... Et puis ta fille est encore petite, elle a bien le temps d'apprendre à s'en passer, non ?

      Supprimer
  2. merci pour ton article intéressant.
    Même remarque que "Working Mum", mon p'tit dernier a rejeté avec grande vigueur la tétine pendant 6 mois, préférant de loin les 50 tétées par jour et nuit. Epuisant pour la maman je dois dire, et j'aurais bien voulu à se moment là, pouvoir me faire aider par un substitut en plastique. Maintenant, il a 2 ans, et c'est l'inverse, il est accroc de la tétine (quoique goute encore le sein de temps en temps) et j'aimerais bien qu'il s'en passe un peu... ah que c'est difficile !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est vrai qu'en matière de sevrage de tétine, je n'ai pas vraiment d'expérience... Nous c'est plutôt la passion de la poussette que nous avons du mal à faire passer à l'aîné, à tel point que c'est parfois le bébé qui marche à côté de la poussette de son grand frère ! Je crois que pour ce genre de choses, les enfants n'ont pas les mêmes perceptions que les notres et que la meilleure voie est quand même celle de la compréhension. Comme tu le dis, c'est bien difficile... Surtout lorsque l'entourage s'en mêle.

      Supprimer
  3. vraiment intéressante cette histoire de la tototte. Chez nous, c'est aussi de lui même, et par un effort de générosité envers sa cousine toute nouvelle, que mon fils a, de lui même, laisser tomber sa totote. Il a dit qu'elle en aurait besoin, signe que c'est un objet important. Moi je la trouvais efficace pour l'endormissement...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Trop mignon, c'est merveilleux lorsqu'un enfant décide de lui-même de passer à autre chose ! Même si parfois, les conséquences sont inattendues. Minidoux déteste beaucoup de trucs de bébé (lit à barreaux, parc, sucette, et j'en oublie) et c'est vrai que ça ne facilite pas toujours la vie !

      Supprimer
  4. Nous étions, nullipares et imbéciles, absolument contre la sucette ... quand notre 2ème est né et a passé ses journées et nuits à pleurer on a finalement tenté de la lui donner (au bout de 7 semaines de pleurs) mais rien à faire : on a essayé toutes les formes possibles et imaginables (oui, on s'est acharnés finalement !) mais il n'en a point voulu !
    la leçon qu'on en a tiré est que finalement nous devons nous adapter à nos enfants et que ce n'est pas l'inverse !
    merci pour cet article !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Nous aussi, on était complétement contre la tétine... Encore un de nos nombreux "principes éducatifs" que nos Doux se sont chargés de nous faire abandonner, et ce n'est pas plus mal !

      Supprimer
  5. Alors nous la grande a eu une tétine très vite et la seconde n'en veut pas (et je n'insiste pas franchement à vrai dire, elle aime mes phalanges ^^).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. En fin de compte, c'est toujours le nain qui choisit...Gare aux crevasses des doigts ;)

      Supprimer