Parmi les choses que je partage avec mes Doux, l’amour de la musique occupe une grande place. A trois ans, Grand Doux connait une bonne dizaine de chansons et peut passer de grands moments à écouter ses disques. Hier, Minidoux (8 mois) m’a stupéfié en tapant de sa petite main potelée le rythme exact que j’étais en train de jouer au violon. Nous écoutons aussi ensemble beaucoup de disques et même des émissions de France Musique. Je ne souhaite pas forcément qu'ils deviennent de très bon instrumentistes, mais juste qu'ils soient sensibles à cet art et en connaissent quelques bases. Avec le plaisir de la lecture, la musique est pour moi une chose primordiale à leur transmettre.
Il y a donc longtemps que je voulais vous parler de ce qu’apporte la musique à de jeunes enfants. Pour avoir un éclairage avisé, j’ai trouvé en bibliothèque l’ouvrage de Mme Grosléziat Les bébés et la musique (paru dans la collection Mille et un bébés). Musicienne et pédagogue, Chantal Grosléziat intervient en crèches et garderies et a participé au développement de nombreuses associations d'éveil musical et notamment Enfance et musique. Dans Les bébés et la musique, elle décrit les capacités musicales des moins de trois ans pour aider les adultes à accompagner leur découverte de la musique, mais aussi du langage. Sous des apparences parfois austères, son propos n’est pas de formater de petits virtuoses, mais d’accompagner les premières expériences sonores des bébés, notamment à travers la voix.
En effet, dès la fin de la grossesse, le bébé a des capacités importantes de perception et decompréhension des phénomènes sonores. L’enfant in utero évolue dans un bain sonore où figurent en bonnes places le rythme des battements cardiaques de la mère et de la circulation sanguine.
On sait qu’une musique ou une histoire entendue régulièrement dans les dernières semaines de gestation est reconnue par le nouveau-né. Mme Grosléziat mentionne une belle tradition gitane qui consiste pour le père à jouer de la musique pour l’enfant in utero. Après la naissance, ce père parviendra à calmer et endormir l’enfant en lui rejouant ces mêmes airs.
Rapidement au cours de sa première année, le bébé devient capable de prouesses vocales que les adultes seraient bien en peine d’imiter: imitation parfaite des bruits de la vie quotidienne avec le bon timbre et la juste hauteur, vrombissements, bruits de sirènes… Les jeunes enfants peuvent chanter juste la tierce ou la quinte d’un son (mes Doux sont virtuoses pour pleurer ensemble de cette façon, mais j’avoue que je me passerai bien de ce genre de concert…). C’est pourtant une compétence que des personnes plus âgées devront souvent acquérir moyennant plusieurs années de solfège. Malheureusement, les adultes ne sont pas forcément attentifs à l’exploration vocale entreprise par le nourrisson, confondant ses efforts avec de simples bruits…
Pourtant l’adulte a un rôle essentiel à jouer : les compétences musicales ne peuvent se développer que grâce à l'interaction. C’est pourquoi les mères reprennent instinctivement les gazouillis de leur bébé, en les répétant et les enrichissant, ce qui ne manque pas de provoquer l’amusement et la joie du petit qui se sent alors reconnu comme une personne. Développement de la personnalité, apprentissages de la musique et du langage empruntent en fait les mêmes canaux.
Pour autant, Mme Grosléziat ne promeut pas l'interventionnisme systématique des parents désireux « d’éveiller » leur progéniture. Elle constate que le petit enfant d’aujourd’hui est très sollicité : « En plus de lui apprendre, de l’éduquer, on l’éveille. Jusqu’où, comment l’éveille t-on ? Ces questions demandent prudence et réflexion, pour que derrière les intentions louables d’un développement harmonieux des compétences, l’éveil ne devienne harcèlement, envahissement, voire conditionnement de l’enfant dès le berceau». J’ai particulièrement apprécié cette réflexion : on a naturellement beaucoup d’ambitions pour nos enfants, mais il est difficile de trouver l’équilibre entre stimulations et respect de leur développement et de leur personne. Les idées de Montessori nous donnent des pistes de réponses : fournir un environnement riche aux enfants, sans rien imposer afin que les enfants puissent prendre eux-mêmes ce dont ils ont besoin pour grandir.
Ce qui est particulièrement remarquable avec la musique, c’est que l’enfant produira rarement des sons à la demande de l’adulte. Les bébés et les jeunes enfants aiment chanter dans le calme, lorsqu’on ne fait pas attention à eux. Aux adultes, grâce à la finesse de leur écoute, de doser leur intervention, voire de ne pas intervenir…
On se rend compte que, pour les bébés, apprentissage musical et apprentissage du langage sont étroitement liés. Quand la personne qui s’occupe du bébé gazouille et vocalise avec lui, le bébé développe sa sensibilité musicale mais aussi ses capacités langagières. La musique offre un pont entre la parole et l’enfant : ce dernier saura chanter la mélodie d’une chanson avant les paroles (je me souviens que grand Doux vers 18, 19 mois nous a chanté parfaitement pendant des semaines la mélodie d’Au clair de la Lune, avant d’y rajouter quelques bribes de paroles).
Néanmoins, je trouve qu’il serait dommage de réduire la musique à une technique pour apprendre à parler. La musique est un art impalpable qui pourtant, par les vibrations qu’elle transmet, met en jeu tout le corps. En particulier, les enfants adorent être pris sur les genoux pour entendre des comptines comme « Bateau sur l’eau » qui associe chant, balancements, et frisson final de la chute. Les enfants nous réclament souvent cette chansonnette et c’est à chaque fois un plaisir que nous partageons ensemble (bon, un peu moins à la cinquantième demande pour être honnête). De même, chanter une berceuse à un bébé lui procure une expérience incomparable qu’il tente parfois de reproduire en chantonnant seul dans son berceau (Mme Grosléziat qualifie la berceuse de véritable enveloppe sonore).
Ecouter une musique ou une chanson connue permet également d’anticiper les différents moments et ainsi de construire la notion de temps. Pour nous faire toucher du doigt ce rapport subtil, Mme Grosléziat cite Pascal Quignard « L’enfant […] ne sait pas endurer le délai. Telle est aussi une part de l’objet de la musique : endurer le délai. Construire du temps à peu près non frustrant, éprouver la consistance du temps et peu à peu lui infiltrer de l’avant et de l’après, du retour et du à venir […] tenir les rênes de la frustration, maîtriser la carence immédiate, jouer avec l’impatience. »(P. Quignard, La leçon de musique p.57). La comptine, la berceuse, les improvisations de l’enfant peuvent même devenir une sorte de doudou permettant d’endurer l’absence et de se rassurer.
J’aime bien aussi l’idée de transmettre un patrimoine de musiques et de petites chansons, comme un lien entre les générations.
Enfin, se mettre à l’écoute des productions sonores des jeunes enfants peut également nous permettre de développer notre propre sensibilité musicale, et de profiter d’un enrichissement mutuel.
Néanmoins, je trouve qu’il serait dommage de réduire la musique à une technique pour apprendre à parler. La musique est un art impalpable qui pourtant, par les vibrations qu’elle transmet, met en jeu tout le corps. En particulier, les enfants adorent être pris sur les genoux pour entendre des comptines comme « Bateau sur l’eau » qui associe chant, balancements, et frisson final de la chute. Les enfants nous réclament souvent cette chansonnette et c’est à chaque fois un plaisir que nous partageons ensemble (bon, un peu moins à la cinquantième demande pour être honnête). De même, chanter une berceuse à un bébé lui procure une expérience incomparable qu’il tente parfois de reproduire en chantonnant seul dans son berceau (Mme Grosléziat qualifie la berceuse de véritable enveloppe sonore).
Ecouter une musique ou une chanson connue permet également d’anticiper les différents moments et ainsi de construire la notion de temps. Pour nous faire toucher du doigt ce rapport subtil, Mme Grosléziat cite Pascal Quignard « L’enfant […] ne sait pas endurer le délai. Telle est aussi une part de l’objet de la musique : endurer le délai. Construire du temps à peu près non frustrant, éprouver la consistance du temps et peu à peu lui infiltrer de l’avant et de l’après, du retour et du à venir […] tenir les rênes de la frustration, maîtriser la carence immédiate, jouer avec l’impatience. »(P. Quignard, La leçon de musique p.57). La comptine, la berceuse, les improvisations de l’enfant peuvent même devenir une sorte de doudou permettant d’endurer l’absence et de se rassurer.
J’aime bien aussi l’idée de transmettre un patrimoine de musiques et de petites chansons, comme un lien entre les générations.
Enfin, se mettre à l’écoute des productions sonores des jeunes enfants peut également nous permettre de développer notre propre sensibilité musicale, et de profiter d’un enrichissement mutuel.
Pour autant, pour donner transmettre le goût de la musique, l’adulte n’a pas besoin d’être musicien ni même de chanter très juste. Le plus important est que l’adulte ait envie de partager quelque chose. Les bébés n’ont que faire de la virtuosité technique, mais sauront saisir « le véritable message, l’histoire d’amour entre l’interprète et sa chanson parce qu’elle est sa chanson à ce moment là, offerte à l’enfant qui est là ». Nul besoin non plus d’instruments de musique : les bébés sont sensibles aux sons et ont beaucoup de plaisir à faire leurs propres créations avec des objets de tous les jours, en tapant, frottant, grattant, pour peu qu’on les y encourage. Je me souviens que Grand doux, vers 9-10 mois adorait chantonner la tête dans un grand seau et taper sur mes casseroles. Pour l'instant, Minidoux préfère s'exprimer en sautillant et en tapant des mains en écoutant de la musique, la preuve que chaque enfant a une façon de réagir différente...
Et chez vous, quelle place a la musique dans vos rapports avec vos enfants ? La pratiquez-vous ensemble ?
Vous trouverez aussi pleins d'articles passionnants sur le blog collectif des Vendredis intellos :
Très importants chez nous, papa et maman sont fans de musique mais nous ne sommes pas forcement attirés par le classique. Du coup nos minots sont très sensibles à cet art. Le plus grand a commencé à 5 ans l'éveil musical et maintenant il joue de la guitare depuis 1 an et demi et ça lui plait beaucoup ... à nous aussi d'ailleurs. Ça nous permet d'échanger de bons moments et de redécouvrir ensemble des morceaux sympas. Pour minot de 3 ans et demi, il ne joue pas encore mais adore écouter ses comptines et aura à noël une super guitare adaptée à sa taille qui on l'espère lui donnera envie aussi.
RépondreSupprimerEncore merci pour cette très belle contribution!!! On voit que la musique occupe une grande place dans ta vie et dans l'éducation que tu donnes à tes enfants et c'est un vrai régal!!!
RépondreSupprimerMr D et moi avons tous les deux fait le conservatoire en classes à horaires aménagées jusqu'au lycée...on s'est longtemps demandé comment transmettre à nos enfants la richesse de la musique sans la psychorigidité de l'institution...J'avoue que autant avec les plus petits l'éducation musicale est un délice, autant avec l'APA, je n'ai pas encore trouvé la solution idéale... la pratique musicale demande quoi qu'on fasse beaucoup de temps et de persévérance, qui sont des formes de plaisir auxquels il n'est pas toujours facile de sensibiliser ses enfants...
Mum'zelle, la guitare est mon premier instrument, et mon grand Doux m'en réclame une son tour... Reste à voir ce qu'il pourra en faire. Pour info, qu'avez-vous choisi commme super guitare pour le petit ?
RépondreSupprimerMadame Déjantée, je ne savais pas que vous étiez musiciens chez les Déjantés. C'est vrai que la pratique musicale est exigeante, mais passionante quand on tombe avec les bonnes personnes. Reste à faire comprendre aux enfants qu'il faut s'entraîner réguliérement et que les progrés ne sont pas forcément fulgurant. Avec mes Doux, je compte tenter de leur donner envie en jouant un peu moi-même et éventuellement en leur proposant de faire des petites choses ensemble, mais ils sont encore bien jeunes...Et puis je crois aussi que l'envie de faire de la musique vient de l'intérieur de soi et que les parents ne peuvent pas imposer grand chose, à part encourager et inciter au travail régulier une fois la décision prise.
J'aime beaucoup l'idée "d'enveloppe sonore", de la chanson comme "doudou". Je ne suis pas du tout musicienne mais je chante tout le temps, et beaucoup de comptines avec des gestes avec mes filles (5 ans et 20 mois), c'est un bon lien entre la maison et l'école/crèche. Quand ma petite veut une chanson, elle me fait le geste du mime (là, je fonds...). Je chante aussi des chansons autres que des comptines bien sûr, et on écoute bien d'autres musiques mais je ne trouve pas ça niais, ni bêtifiant comme j'entends parfois. Ok, "Pomme de reinette et Pomme d'api" ce n'est pas très intello comme parole, ce n'est pas du Brassens ou du Brigitte Fontaine, mais à mon humble avis, les comptines ont d'autres fonctions, comme le mime par ex. mais aussi plus "identitaire" (même si je n'aime pas ce mot...) ou culturelle (là je préfère !).
RépondreSupprimerSophie, je suis bien d'accord avec toi, les comptines ne sont absolument pas un répertoire niais ou vieux jeu, mais des petits trésors qui se transmettent de générations en générations. Beaucoup de comptines enfantines ont plus de sens qu'il n'en paraît à première vue, et c'est un moyen irremplaçable aux tout-petits pour apprendre le langage. Ta fille ne s'y trompe pas si elle t'en réclame souvent. Promis, j'essaierai de faire un petit billet à ce sujet (dès que j'aurai retrouvé le petit livre auquel je pense dans le bazar que mes fils et moi avons mis dans le salon...).
RépondreSupprimerJ'ai découvert ton blog via les vendredis intellos. J'ai particulièrement apprécié cet article sur la musique, car je pratique moi aussi un instrument de musique (l'alto) et je chante tout le temps. Ma fille, qui a bientôt 15 mois, danse et chante tout le temps, certainement par imitation, car chez nous la musique occupe une place importante. Je cherchais également un livre sur le sujet, et celui que tu cites me semble parfait, je cours me l'acheter (bon je vais attendre que les fêtes passent, pas envie de faire 3h de queue à la caisse^^). Bravo pour ton blog, il est très interessant!
RépondreSupprimerMerci Elodie. C'est vraiment trop mignon les premières petites chansons des bébés. Le notre nous a chanté Au clair de la Lune pendant des mois... Après, tu verras,leur répertoire s'étoffe très rapidement, c'est trés impressionnant... Le petit livre de Mme Grosléziat expose je pense l'essentiel mais si tu trouves d'autres livres sur le sujet, fais moi signe.
RépondreSupprimerUne amie est chanteuse professionnelle et mère célibataire, elle emmenait donc sa fille avec elle, depuis tout BB, de répétitions en tournées : je ne sais pas si celle-ci a connu les comptines habituelles, mais elle avait un répertoire de chansons de la Renaissance assez inattendu !!
RépondreSupprimerLe chant est une bonne initiation à la musique, on peut s'accompagner de petites percussions, chanter à plusieurs voix... on arrive a qqch de tres riche avant même d'être capable de maîtriser physiquement un instrument et la necessité de pratiquer régulièrement...
Effectivement, ce doit être une sacrée immersion !
SupprimerJ'essaye de chanter le plus possible avec les Doux, on tente même de petits canons... Bon maintenant, le Grand veut passer à la vitesse supérieure en se mettant au violon, reste à voir s'il en aura la patience !