Avec l'arrivée des beaux jours, difficile de ne pas penser à mon rêve de quitter l'appartement pour une maison avec jardin. Mais dans la quête de la maison idéale et néanmoins abordable, je me rends compte que M. Doux et moi avons des conceptions bien différentes sur le nombre de pièces nécessaires pour loger les enfants. Fille unique, j’ai tendance à penser que les Doux se sentiraient moins seuls dans la même pièce alors que ma moitié garde des souvenirs mitigés de la chambre partagée avec son frère.
C'est donc avec intérêt que j'ai découvert dans le Journal des professionnels de la petite enfance,un article écrit par la sociologue Mme Sylvie Cadolle intitulé "une chambre pour lui tout seul !".
« Malgré l'accroissement inquiétant du prix du logement (en location comme en accès à la propriété), en région parisienne et dans les grandes villes, on peut observer que le fait qu'un enfant ait sa chambre constitue aujourd'hui un impératif pour la plupart des familles…. Attendre un enfant implique souvent qu'un couple ou une famille déménage pour s'agrandir. Élever plusieurs enfants dans la même chambre, ou pire n'offrir qu'un « coin » à son enfant, fût-il bébé, semble aujourd'hui insatisfaisant et ne pouvant constituer qu'une solution provisoire, faute de mieux. »
Cette chambre enfantine, plus qu’un besoin, est en fait la manifestation de la place centrale qu’occupe l’enfant dans la société. Dans la majeure partie du monde, et chez nous jusqu’à récemment, les enfants dormaient là où ils le pouvaient. La prescription de faire dormir l’enfant isolément, issue des moralistes, médecins et psychologues, s’est diffusée au 20° siècle, des classes dominantes jusqu’aux milieux défavorisés.
Mais dans cette chambre décorée en rose ou en bleu remplie de jouets « sexuée » et de meubles couteux, (ce qui participe d’ailleurs à la construction des stéréotypes garçons/ filles), l’enfant est seul. Il a peur et peine souvent à s’endormir. Sa chambre individuelle, plus tard envahie par l’ordinateur et la console de jeux, coupe ses relations avec le reste de la famille.
Mais si les parents plébiscitent la chambre individuelle, c’est pour favoriser l’autonomie. Mme cadolle explique que l’autonomie est aujourd’hui la qualité la plus prisée par les parents, loin devant l’obéissance plébiscitée avant les années 1970. Or, l’accès à l’autonomie est un chemin que l’enfant parcourt progressivement, cet accès se vit de l’intérieur et ne peut être imposé par les parents. Comme on le dit parfois, « pour se détacher, il faut d’abord avoir été bien attaché »….
Photo Perludi |
Mme Cadolle termine son plaidoyer pour le partage de chambre par des arguments plutôt convaincants : « Nous individualisons nos enfants, les dispensant de tout ce que le partage d’une chambre peut apporter d’adaptation à autrui de gaieté et de chaleur. Nous pensons qu’avoir une chambre à eux dans leur petite enfance est la condition du développement de leur autonomie. Ilse trouve que seuls dans leur chambre ils ont moins d’occasions d’apprendre à être généreux, à tenir compte d’autrui à partager. Nous ne devons pas oublier que l’autonomie de l’enfant ne se décrète pas mais se construit progressivement au fur et à mesure qu’ils comprennent la nécessité des règles posées par les adultes »
C’est vrai que lorsqu’on attend son premier enfant, on est conditionné (ah, les magasines de parents…) à penser que notre premier devoir de parents est de prévoir une belle chambre pour bébé. Pourtant, Grand Doux n’a mis les pieds dans sa chambre qu’après ses 6 mois et, le concept de chambre individuelle n’est qu’une froide abstraction pour Minidoux le conodonte. Disons le tout net, posséder une chambre ne fait de toute évidence pas partie des besoins essentiels des bébés. Sans compter que la salle de jeu préférée de mes Doux demeure notre salon !
J’ai trouvé l’article de Mme cadolle original et bien au fait des besoins réels des enfants, mais peut-être insuffisamment nuancé. Je crois, que dans la mesure de nos moyens financiers, il importe de prendre en compte l’âge et la personnalité des enfants. Si de jeunes enfants apprécieront de dormir avec parents et frères et sœurs, des enfants plus grands pourront souffrir d’être forcés à partager leur chambre dans des disputes incessantes. Je crois que si c’était le cas de mes Doux, nous tenterions au moins de partager la chambre, en mettant une cloison amovible, ou une armoire « séparatrice ».
Dormir a plusieurs dans la même chambre est plus convivial, mais c’est vrai que les parents seront peut-être gênés par les inévitables chahuts et le fait que les enfants se réveilleront plus facilement mutuellement. N’ignorons pas que la chambre partagée génère sans doute plus de travail « éducatif » pour les parents...
Il n’est pas comparable de partager une jolie chambre bien exposés de 20m² ou une sombre pièce de 9m². Or, les nouvelles constructions, appliquant peut-être le principe « un enfant, une chambre » ont tendance à avoir des chambres de plus en plus petites. Ces chambrettes sont-elles conçues pour plusieurs enfants? J'en doute...
Et puis, j’imagine que quand les enfants grandissent et deviennent adolescents, il est nécessaire de leur fournir, sinon une chambre, au moins un petit coin leur permettant de s’isoler. Je ne connais pas grand chose aux familles nombreuses, mais je pense aussi qu’il est bon de pouvoir se retrouver seul lorsqu’on a passé la journée en collectivité, dans des salles de classe parfois ridiculement petites.
Malgré ces petites réserves, je trouve que ce petit article fournit une bonne base de réflexion. Lorsque nos moyens nous le permettent, il n’est pas innocent sur le plan éducatif de faire le choix de chambres individuelles ou d’une chambre partagée. En outre, est-il pertinent d'offrir une chambre à chaque enfant, si cela nous conduit à multiplier les heures de travail pour payer un lourd crédit et passer moins de temps avec eux ?
Pour conclure, des amis souhaitaient offrir une chambre à chacun de leurs deux enfants, en renonçant à leur chambre parentale : les bambins malins, invités à choisir « leur » chambre ont répondu en chœur « une chambre pour tous les deux, et une salle de jeu ! »