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Dessin de Pancho, trouvé sur le site ecolesdifferentes.org |
J'ai choisi il y a déjà quelques années le métier de professeur des écoles, et depuis la rentrée de septembre, j’expérimente la douce fonction de parent d’élève ; d’où l’envie de vous faire partager mes interrogations sur les relations parents/profs.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on touche là une question sensible. Je ne m’attarderai pas sur les causes de ces relations difficiles mais ô combien nécessaires mais je prendrai comme point de départ un passage de « Au cœur des émotions de l’enfant » de Mme Filliozat.
« … Trop d’enseignants manient la dévalorisation. Pour certains, l’humiliation est une méthode pédagogique ! » […] « Il a peur de son professeur ? Il ne veut plus retourner à l'école ? Écoutez votre enfant. Ne prenez pas parti systématiquement pour l’enseignant. S’il a peur, c'est qu'il a mal vécu quelque chose, il est important de savoir quoi pour l'aider à faire face ou le protéger[…]Ne banalisez pas l'autoritarisme, l'injustice, l'ironie ou les menaces d’un enseignant. Prenez clairement le parti de votre enfant. Aucun adulte, pas même un professeur n’a le droit de lui faire du mal, de le blesser, ni bien sur de le frapper. Selon les circonstances et la gravité, aidez votre fils (fille) à trouver des réponses aux réflexions désobligeantes, allez voir l’enseignant et demandez lui de modifier son attitude, déposez plainte, retirez votre enfant de cette classe, voire de cette école. »
Je ne suis pas fan de ce passage, non sur le fond mais dans la formulation, qui je trouve incite à la défiance envers les professeurs. Mme Filliozat brosse un portrait bien peu flatteur des enseignants. Je ne nie pas qu’il existe des professeurs malveillants, mais je pense que beaucoup de relations sont surtout gâchées par des malentendus. Tout d’abord, le professeur est lui aussi une victime de la culture du « t’es nul » dont j’ai déjà parlé ici. Il l’a subie lorsqu’il était élève, jusqu’à sa sortie de l’IUFM. Rien dans sa maigrichonne formation initiale ne lui permet de s’en extraire, puisque la communication n’est absolument pas enseignée.
En outre, sous son apparence éventuelle de morgue ou de froideur, l’enseignant est souvent aussi stressé à l’idée de rencontrer les parents d’élèves que le sont ces derniers. Parfois le maître, échaudé par des mauvaises expériences, est sur la défensive. J’ai fait preuve de maladresse souvent dans ma communication avec les parents de mes petits élèves. Mais j’ai trouvé aussi franchement blessant d’entendre que mon cours était mal fait, ou encore des remarques du type « vous êtes trop sévères, vous faites peur à mon fils », alors que j’avais passé plusieurs heures à préparer pour l’élève un travail personnalisé. Et je passe sur les menaces physiques que certains collègues ont subies dans les écoles où j’ai travaillé…
En fin de compte, le meilleur conseil que je retiens de cet extrait est « écoutez votre enfant ». Pour l’instant, je m’en tiendrai à cette ligne de conduite : lorsqu’un problème survient, la première chose à faire est d’écouter ce que l’enfant a à dire. Soit le comportement de l’enseignant est inacceptable voire illégal (coups, insultes) est dans ce cas il faut prendre son courage à deux mains et aller demander illico des explications, malgré l’éventuelle crainte des représailles envers son enfant (une collègue pourtant très expérimentée m’a raconté qu’elle et d’autres parents d’élèves n’avaient pas osé intervenir devant la façon de faire d’une maîtresse par crainte pour leurs enfants…).
Si le comportement de l’enseignant est juste discutable, l’enfant est-il réellement bouleversé, au point que même une écoute active ne l’aide pas à résoudre son problème ? J’ai cru comprendre que Grand Doux s’est fait traiter de « bourrique » à l’école, mais quand je lui ai demandé ce qu’il avait ressenti, il m’a dit qu’il ne trouvait pas ça grave. Dans ce cas, même si le qualificatif ne me plaît guère, je ne vois pas l’intérêt d’aller trouver son enseignante.
Le cas échéant, si un commentaire ne passe pas et que l’enfant paraît vraiment troublé, une entrevue courtoise peut aider à résoudre le problème.
Avec la maîtresse de Grand Doux, je n’apprécie pas le manque de chaleur de l’accueil du matin, le zèle avec lequel sont organisées des évaluations pour tout et n’importe quoi (principalement des items du type « dit bonjour », « dit merci »). De la même façon, je suis moyennement convaincue par sa propension à voir des caprices chez les enfants dès lors que leur attitude ne correspond pas à ses exigences. D’après ce que j’en vois, j’ai l’impression que sa pédagogie est très scolaire (fiches, exercices…) pour des enfants de petite section. Pour autant, je dois reconnaître que Grand Doux apprend beaucoup de choses avec elle : il est ravi de commencer à apprendre les lettres et très fier de nous ramener ses cahiers d’exercices. Même si je rêve d’une école bien différentes de celle que nous avons, je trouve qu’il est bon qu’il apprenne à se frotter à des personnes qui ont des façons de autres que les nôtres, du moment que ces personnes sont globalement bienveillantes. Grand Doux n’a pas vocation à passer sa vie dans le cocon familial !
Il ne faut pas oublier non plus que l’enseignant que nous critiquons parce qu’il ne correspond pas à notre idéal représente peut-être, pour quelques élèves de sa classe, une des rares petites lueurs d’espoir dans de jeunes vies déjà bien lourdes. Et puis, qui sait si, un jour, un maître que je n’apprécierai pas forcément ne va pas aider mon enfant à découvrir une nouvelle passion, voire à trouver une vocation ? Pour toutes ces raisons, j’aimerais que mes garçons apprennent le respect des professeurs, et ils ne pourront sans doute l’apprendre que si je m’abstiens de regarder la plupart d’entre eux avec défiance.
Enfin, il est important que les enfants apprennent à résoudre leurs problèmes sans être constamment parasités par l’intervention de leurs géniteurs. D’ailleurs, on ne peut pas prendre systématiquement le parti de l’enfant, parfois il faut bien reconnaître que le comportement en classe de notre chérubin laisse franchement à désirer. Si les parents ont un rôle à jouer, c’est d’abord un rôle d’écoute et de soutien constructif: un passage de « Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent de Faber et Mazlish résume bien cette dernière attitude (l’extrait est un peu long pour que je vous le livre ne texte intégral) . Une mère reçoit un coup de téléphone d’un enseignant se plaignant du comportement de son enfant, si son premier réflexe et de punir l’enfant, elle se ravise et décide de l’écouter, sans lui faire la morale, afin qu’il puisse trouver de lui-même ses propres solutions. L’enfant et sa mère décident alors d’écrire ensemble une lettre à l’enseignant pour lui proposer les solutions découvertes. L’enseignant accepte ses solutions et modifie son propre comportement. Hormis les cas les plus graves qui nécessitent une intervention énergique, de nombreux malentendus pourraient peut être se dissiper avec un peu d’imagination, d’écoute et pourquoi pas une touche d’humour, non ?
Voilà mon début de réflexions sur ce vaste sujet. A ce stade, vous remarquerez que j’ai plus de questions que de réponses à vous apporter. Qu’en pensez-vous ? Avez-vous de votre côté trouvé des solutions originales pour sortir de la guérilla parents profs ?
PS : Pour les vendredis intellos, les neuroneuses ont déjà beaucoup réfléchi sur des extraits de cet ouvrage de Mme Filliozat, je vous invite à retrouver leurs contributions (merci à Madame Sioux et Clem pour leur super index bibliographique):