Un dossier « neurosciences et impact de
l’éducation », déniché dans le numéro de mars 2012 la revue Métiers
de la petite enfance vient apporter de l’eau à notre moulin.
Tout d’abord, un article de Mme Catherine Guéguen « Importance
de l’éducation sur le développement du cerveau social et émotionnel » nous
explique que si nous sommes un peu perdus devant la foule de conseils
contradictoires donnés aux parents, pourquoi ne pas réfléchir tout simplement à
ce que nous attendions d’une relation avec les adultes lorsque nous étions
enfants…. Au fond, les besoins des enfants ne diffèrent guère de ceux des
adultes : être compris,
respectés et encouragés.
Souvent, les difficultés surgissent lorsqu’il y a un manque
d’écoute. Pour l’auteur, l’enfant lui, a particulièrement. besoin d’être écouté
et de pouvoir exprimer ses émotions. Au fur et à mesure qu’il grandit, la
relation avec lui deviendra de plus en plus riche. Contrairement à ce qui est souvent
reproché, « donner de l’affection et de l’empathie à l’enfant ne signifie pas
être laxiste ».
Grâce aux neurosciences, on sait que les expériences vécues
modifient les circuits cérébraux. C’est d’autant plus vrai chez l’enfant.
L’ambiance dans laquelle on élève nos enfants aurait ainsi une importance capitale sur son
développement cérébral… Le cerveau se modèle sur les relations que l’enfant
rencontre. Si nous crions beaucoup il fera de même, si nous nous montrons
enthousiaste et empathique, il y a de grande chances pour que l’enfant adopte
les mêmes qualités…
On apprend aussi dans l’article que le système cérébral qui
génère la curiosité est comme un muscle qui améliore ses performances avec
l’entraînement. Pour l’éducateur, il faut réussir à donner le goût de la vie
sans freiner cette curiosité. Un enfant trop protégé, entravé dans ses
premières explorations, par peur de l’accident, (le fameux « tu vas tomber ») risque de perdre sa
curiosité et sa motivation. Au contraire, celui qui est encouragé à se lancer,
en étant informé du danger (« attention,
tu peux y aller, mais ce jeux est haut regarde où tu mets les pieds ») est
soutenu dans son désir de découverte. Les jeux sont aussi essentiels, car ils
développent le cerveau supérieur. En particulier les jeux de contact (la
« bagarre ») aident au contrôle des émotions. Peut-être faut-il
accepter que le développement intellectuel et affectif se fasse au prix de
quelques bleus….
Le dossier comporte également une passionnante partie,
intitulée, « Que savons-nous actuellement sur le développement du cerveau
de l’enfant ? », toujours de Mme Guéguen, qui donne décrit les fonctions des différentes
parties du cerveau. En particulier, la relation idéale avec l’enfant
respectueuse, compréhensive, aimante est celle qui fait évoluer
et murir son cerveau de façon favorable et optimale. Le cerveau de l’enfant est
plastique, mais, même s’il peut
reprendre son développement après de mauvaises expériences, certains traumatismes
pourraient causer des dommages irréversibles.
Schématiquement, l’article explique que nous avons trois
cerveaux :
- Le cerveau reptilien, le plus primitif, contrôle nos
réflexes et nos fonctions organiques.
- Le cerveau émotionnel, siège des émotions, bonnes ou
mauvaises
- Le néo-cortex, ou cerveau supérieur, qui chapeaute les deux
autres cerveaux. C’est grâce à lui que nous imaginons, résolvons des problèmes,
connaissons l’empathie et la conscience de nous-mêmes. Il se développe très
lentement chez l’enfant de moins de 5 ans et ne sera achevé que lorsque
l’enfant aura une vingtaine d’années
Le cortex se divise en un cortex orbito frontal (COF) et un
cortex cingulaire antérieur (CCA) (enfin si j’ai bien compris…).
Le COF nous
permet d’être réceptif aux autres, de connaître leur sentiments à notre égard,
de gérer les émotions fortes et d’inhiber les réflexes du cerveau
primitif. Les images obtenues par IRM montrent
que cette zone est fortement sollicitée par les sentiments de tendresse et d’amour.
Ce cortex se développe en fonction du vécu de l’enfant : plus l’enfant
évolue dans un milieu où il se sent écouté et en sécurité plus le COF pourra se
développer. De plus, ce n’est que vers 5 ou 6 ans, suite à une poussée de
croissance des neurones, que l’enfant parvient à maîtriser ses sentiments
négatifs et obtient plus de contrôle sur lui-même… Etre raisonnable prend du
temps. Gronder l’enfant n’est alors guère efficace : pour l’accompagner
lors de cet apprentissage des émotions, il
n’y rien de tel que notre propre exemple.
La deuxième partie du cortex, le cortex cingulaire antérieur
joue lui un rôle dans rien moins que la perception de la douleur,
l’attachement, la coopération et l’empathie. Les pleurs de notre enfant
activent notre propre CCA et à l’inverse un bébé singe dont cette zone du
cerveau est endommagé ne pleurera plus pour appeler sa mère.
Or chez le petit enfant le cerveau supérieur censé réguler
COF et CCA fonctionne mal. Impossible donc de lui demander un grand contrôle de
lui-même.
Schéma du cerveau, emprunté à l'article |
D’autant plus que le réseau de fibres destinées à
transmettre les informations entre les deux hémisphères cérébraux (le corps
calleux) n’est pas achevé chez l’enfant. En fait ses deux hémisphères ont
tendance à fonctionner indépendamment : qui n’est jamais resté interloqué
devant les brusques sautes d’humeur de sa progéniture… C’est ainsi que Grand
Doux, 4 ans, peut me susurrer que je suis « une maman magique »
(cerveau gauche) avant de balancer
contre le mur en hurlant sa maison des playmobils (cerveau droit, merci). Pour
aider le réseau du corps calleux à faire la navette entre les deux hémisphères,
rien de tel que d’aider l’enfant à mettre des mots sur son émotion… Donc si je
comprends bien, les techniques d’écoute active c’est bon pour la paix des familles
mais aussi pour les neurones !
L’amygdale, lui, est le centre de la peur… Et il semblerait
que les connaissances acquises en neurosciences condamnent sans appel toute
méthode éducative fondée sur la peur car cela perturbe le fonctionnement de
l’amygdale. Par ailleurs, c’est par l’amygdale que passe les phénomènes de
contagion émotionnelle : quand un enfant est témoin de l’expression de
sentiments négatifs, il y a de grandes chances pour qu’il s’approprie ces
sentiments. Le stress entraîne une sécrétion continue de cortisol, ce qui à
terme provoque une hyperactivité des zones du cerveau dévolues à l’angoisse et
à la dépression…
L’hippocampe est notre organe central d'apprentissage. Il
est particulièrement sensible au stress. Si le stress se prolonge, le cortisol
stimule l’hippocampe et abime les neurones de l’hippocampe, rendant
l’apprentissage plus difficile.
Et les fameux neurones dans tout ça ? Ce sont des cellules capables de stocker
des informations. Deux types de neurones sont particulièrement intéressants,
les neurones fuseaux et les neurones
miroirs. Plus l’environnement est propice, plus les neurones sont
réceptifs aux substances telles la dopamine qui font éprouver des émotions
positives. Ces neurones fuseaux nous aident également à adapter nos réactions
en fonction de nos émotions.
Les neurones miroirs nous permettent d’imiter une personne
et de deviner ses émotions. Ce sont les dépositaires du talent relationnel. L’empathie
est liée à l’activité des neurones miroirs. Lorsque l’enfant observe un comportement,
ses neurones miroirs d’activent exactement comme si c’était lui-même qui
agissait. A la maison, nous sommes frappés de voir avec
quelle précision Minidoux imite tout ce que nous faisons : remplir le
lave-vaisselle et verser la poudre dans le réservoir (en en renversant au
passage mais, c’est une autre histoire), aller chercher un casque et le poser
sur sa tête, avant de tenter d’enfourcher la draisienne de son frère… Minidoux
serait-il spécialement doué pour les relations sociales ?? C’est vrai que
les personnes de la crèche nous l’ont décrit comme quelqu’un de très bien
adapté, mais je pense que seul l’avenir nous le dira…
Le système nerveux végétatif, lui se divise en deux groupes
de nerfs. Le système nerveux sympathique, sous le contrôle de l’hypothalamus,
est lui mature à la naissance. Mais le
système nerveux parasympathique, qui permet de freiner certaines impulsions ne
commence à se développer qu’à partir de la deuxième année. J’en déduis qu’il
est inutile de gronder un petit touche à tout de 12 mois. Au contraire,
« le fait de consoler un enfant angoissé régule son système
neurovégétatif » en régulant le taux de cortisol.
L’adrénaline et la noradrénaline sont des substances produites par le cerveau qui affectent aussi fortement
notre humeur. "Lorsque ces substances sont à leur niveau optimal, l’esprit
est vif et les pensées claires" mais à trop haute dose, elles génèrent
l’angoisse et la colère. Les toutes premières expériences éducatives de
l’enfant influent fortement sur la façon dont ils génèrent ces hormones
réactives au stress. Le problème est qu’adrénaline et noradrénaline empêchent
la sécrétion d’hormone du bien être : les endorphines et la fameuse ocytocine.
Inversement, jeux et contacts physiques augmentent la sécrétion de ces hormones.
De même plus on passe de temps avec son enfant, plus sa
production de sérotonine, neurotransmetteurs qui aide les relations sociales et
réduit l’agressivité, augmente.
En résumé, le cerveau de l’enfant est encore très
immature : par exemple un nourrisson de 1 an n’a qu’un nombre limité de connexions
neurales, le cortex est peu développé et c’est les cerveaux archaïques et
émotionnels qui sont dominants. Ses crises et ses colères ne sont donc pas des
caprices ou des troubles de comportement mais la conséquence de son immaturité cérébrale. Pour mettre en place
les connexions qui vont l’aider à gérer ses émotions, il a besoin d’un adulte
qui le console et l’aide à mettre des mots sur ce qu’il ressent
Ma culture scientifique étant bien limitée, j’ai bien aimé
ce petit dossier qui explique dans des termes clairs le fonctionnement du
cerveau. Je trouve encourageant que les méthodes dont je parle parfois sur mon
blog aient des justifications
scientifiques.
Même si les neurosciences n’ont pas vocation à dicter nos
conduites, les progrès dans la connaissance du cerveau ont quand même de sacrés
implications : en d’autres termes, les adultes ont du pain sur la planche
pour aider les petits cerveaux à se développer. Aux relations traditionnelles fondées sur
l’autorité et la menace de sanction, nous devrions substituer écoute et étayage
émotionnel. Les neurosciences nous aident à prendre conscience que nous sommes
des modèles plus que des pilotes. Nous avons une grande responsabilité éducative, insiste l'auteur...Sauf que nous sommes nous-mêmes souvent
prisonniers de notre propre éducation, et dans nos moments de stress, dur parfois
de ne pas retomber dans nos réflexes … Et
si l’auteur de l’article conseille de passer la main lorsque nous sommes trop
énervés, encore faut-il avoir un relais sous la main !
J’ai aussi quelques doutes sur certaines affirmations selon
lesquelles un enfant qui aura souffert de trop de stress aura plus tard des
propensions à l’alcoolisme et à la dépression… Pour tout dire, je trouve cela
assez culpabilisant, même si l’article en question s’adresse à des professionnels travaillant en crèche et non pas à des parents : le cerveau se forme tout
au long de la vie, ce qui implique, selon moi, que les erreurs de départ sont plus
ou moins rattrapables. Enfin, Mme Guéguen
fait partie des personnes engagées contre la violence éducative (ce qui est tout
à son honneur, évidemment ;)), mais j’aimerais
également connaître le point de vue de chercheurs plus neutres.
Ces réserves émises, ces découvertes devraient
aussi être prises en compte dans le débat sur l’avenir de l’école, la formation
des enseignants et les conditions dans lesquelles ils exercent. Peur et humiliation sont peut-être encore trop
présentes à l’école...
Désolée pour ce très long billet, mais ce dossier a éveillé mon intérêt et me donne envie d’en savoir plus sur « la boîte magique » qu’est le cerveau de l’enfant. Par curiosité de prof, j’aimerai aussi savoir plus précisément si des études ont mesuré la part du stress dans les difficultés d’apprentissage… A suivre donc.
Voici ma participation aux vendredis intellos, après quelques mois d'absence neuronale !!
c'est passionnant!! bravo pour ce billet qui est très clair sur un sujet pas facile!
RépondreSupprimerMerci ! Je suis contente d'apprendre que le billet peut apporter quelque chose... Et je recommande le dossier de la revue.
RépondreSupprimerWaouh ! Chouette article ! Je comprends mieux certains comportements de mon Mistouflon et de ma minimouflette.
RépondreSupprimerBravo pour cette belle contribution.
Faut que je la fasse lire au papa ;-)
Oui en effet, on comprend mieux, et cela change la donne ! Reste à faire admettre ça à l'entourage ;)
SupprimerMerci pour ce billet, chaque petite piqûre de rappel me permet de me sentir soutenue et confiante. En gros ton article me réconforte. Il faudrait que je le fasse lire à quelques personnes, pourquoi pas mes parents...
RépondreSupprimerBisous
Merci aussi ! Bisous à toute la petite famille.
SupprimerBravo pour tes recherches, ce fut très instructif et interessant!
RépondreSupprimerMerci, j'espère que j'ai été suffisamment claire, j'ai du relire l'article et me corriger plusieurs fois !
RépondreSupprimerBonjour Flolasouricette
RépondreSupprimeren pleine recherche sur le sujet de l'éducation non violente (pour application à la maison, je suis maman de 2 ptits gars), je te remercie pour cet article qui nous permet de voir que scientifiquement parlant, on peut expliquer ce que nous ressentons intuitivement comme bon pour nos enfants!
A bientôt
Je trouve que ce genre de recherches devraient être plus diffusés, au lieu des sempiternels discours sur "l'autorité et les limites"... Merci pour ton commentaire.
SupprimerJe suis d'accord avec toi , ce serait bien qu'il y ait un peu de neurosciences dans la formation des professeurs .
RépondreSupprimerPlus j'avance et plus je ressens le besoin de me former pour être une prof acceptable... Dommage que la formation continue se porte plutôt mal chez nous...
SupprimerMerci beaucoup pour ce bel et riche article!!! Les neuro sciences sont vraiment passionnantes!! Merci d'avoir fait l'effort de nous résumer tant de choses!!
RépondreSupprimerLes seuls points sur lequel je resterai prudente (vis à vis des neurosciences):
- Il existe probablement de grandes différences entre un humain dans la vie réelle et un humain dans un appareil IRM
- Pour des raisons financières et humaines il me semble que les études IRM ne peuvent pas se faire sur de très larges populations (donc pour la représentativité, on repassera)
Donc bref, vive les neurosciences mais restons vigilants tout de même! (je repense notamment à l'excellente démonstration de C. Vidal sur les supposées différences entre le cerveau des hommes et des femmes http://www.youtube.com/watch?v=OgM4um9Vvb8)
Bien vu en effet ! Je crois aussi que c'est un domaine où nil faut rester vigilant, les neurosciences peuvent servir d'arguments pour justifier un peu n'importe quoi... C'est pourquoi j'aimerai bien trouver d'autres publications accessibles là dessus... Ceci dit, concernant l'immaturité du cerveau du petit enfant, à observer les Doux, je crois bien qu'il y a des éléments indéniables !
SupprimerBonsoir,
RépondreSupprimerMerci beaucoup pour cet article !!
Je suis bien contente de l'avoir lu, cela me conforte dans mes choix.
Je suis moi aussi d'accord par rapport à ce que tu dis sur la formation des enseignants...
Si tu le permets je vais faire un lien de mon blog vers cet article !
Maud
Merci Maud , et pardon de n'avoir vu ton message qu'aujourd'hui (longue pause de blog....) Pas de problème bien entendu pour le lien ;)
SupprimerBonjour,
RépondreSupprimerJ'aimerais bien trouver l'article dont il est question ou des livres auxquels il fait référence. Est-ce possible?
Merci d'avance
Même demande qu'Erica si quelqu'un(e) à l'article d'origine le billet présenté me met l'eau à la bouche !
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